Les cours avaient commencé depuis une semaine. Je ne voulais pas être ici mais je devais donner le change, alors, je faisais de mon mieux, mais en réalité, je n'avais pas la moindre idée de ce que je faisais. J'étais actrice, pas prof. Mais mon agent m'avait trouvé  ce boulot pour tenter de subsister en attendant un contrat de cinéma. Hollywood me manquait et je broyais du noir, bien que j'essaie de me trouver des distractions par-ci par-là.
Ce vendredi soir, je ne savais que faire, j'allais quitter l'école mais j'aperçus à travers la porte vitrée de la salle de musique ce magnifique piano à queue. Je me souvenais que la musique m'avait toujours apaisée, que j'avais aussi beaucoup aimé en écrire voilà quelques années.
Me pensant seule dans l'école, j'entrai dans la salle et m'installai face au clavier dont je relevai le couvercle. Je laissai mes doigts parcourir les touches puis commençai à fredonner les notes pour m'échauffer un peu la voix. Puis, laissant courir mes doigts sur le clavier, je me mis à interpréter l'une de mes chansons. J'avais sorti un  album voilà six ans, il avait plutôt bien marché, mais mes contrats en cinéma m'empêchèrent de faire une tournée de concerts, ce qui fut mon plus grand regret car j'adorais chanter.
J'étais tellement prise dans ma musique que je n'entendis pas que quelqu'un entrait dans la salle. Il fallait dire que le piano était disposé de telle sorte qu'une fois assise, j'étais dos à la porte. Quand je sentis la présence de quelqu'un, je sursautai avant d'identifier l'individu comme étant le prof de musique. Oups...

- Salut.. tu m'as fait peur... Désolée j'ai... pris la liberté de venir dans ta salle, j'espère que tu ne m'en veux pas.

Je lui adressai mon plus beau sourire. J'étais habituée à ce que l'on me passe tous mes caprices, alors si'il faisait un esclandre pour une chanson au piano, il se pourrait que je gueule plus fort encore. Mais il n'avait pas l'air aussi con que pouvait l'être cet arrigant d'Alejandro.

- Bletran, c'est ça ? On n'a pas eu beaucoup l'occasion de discuter cette semaine.

Cela faisait un peu plus de trois ans que je faisais le prof à l’école des Arts de la scène de Carmen Arranz. Oh il n’y avait aucune amertume dans mes propos, après tout, je peux toujours chanter, c’est le principal et puis si je ne peux plus donner de représentations à l’opéra comme je le faisais avant, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. D’ailleurs, c’était même une sacré chance pour moi d’avoir décroché ce poste, parce que je n’avais pas d’expérience dans l’enseignement, mais ici ils regardent plutôt votre expérience professionnelle et sans modestie aucune, je dois avouer que j’ai une petite notoriété pour quelques initiés du domaine lyrique. Parfois il m’arrivait de me demander ce qu’aurait été ma vie si j’avais écouté mon médecin lorsqu’il m’avait conseillé de me retirer, pour un temps, de la scène. Peut-être aurais-je pu reprendre un jour, mais rien n’était moins sûr.

Enfin, il ne servait à rien de vivre dans le passé, ma vie me plaisait comme elle était, il me manquait juste un peu d’activité côté vie sentimentale pour que tout soit parfait. Un sourire amusé étira mes lèvres à cette pensée. Le dernier mec avec qui j’étais n’était pas vraiment pour moi, j’ai le chic pour attirer ceux qui n’ont rien à faire avec moi. Je ne désespère pas, un jour je réussirais à trouver le bon. Pour l’heure, j’étais en train de finir une tasse du café immonde qu’ils servent ici. Il n’y a plus grand monde à cette heure-ci à l’école, cela faisait du bien un peu de calme. Alors que je m’apprêtais à partir pour rentrer chez moi, je me rendis compte que j’avais oublié un dossier dans ma salle de classe. Poussant un profond soupir, je m’y rendis. Lorsque j’arrivais devant la porte, je fronçais les sourcils. Tiens, je croyais être seul, pourtant j’entendais bien quelqu’un chanter et jouer du piano dans la pièce de l’autre côté de la porte. Doucement, j’ouvris cette dernière et restais dans l’encadrement pour ne pas déranger la musicienne. Kelly Martinez. Lorsque j’ai appris qu’elle allait enseigner ici, j’en fus heureux parce que j’étais un grand fan de cette actrice, j’avais même acheté son disque, l’unique qu’elle avait sorti d’ailleurs.

Elle repéra ma présence et j’avançais dans sa direction, un sourire sur le visage.

- Salut, pas de souci, au contraire. Je ne voulais pas te déranger, c’est pour ça que je ne disais rien, mais je m’apprêtais à rentrer chez moi avant de me rendre compte que j’avais oublié un dossier ici….ah bah tiens, il est là-bas.

Lui dis-je en désignant l’estrade un peu plus loin, je ne bougeais cependant pas, je n’allais pas perdre l’occasion de pouvoir parler un peu avec elle.

- C’est cela, Beltran Cervantes et toi tu es Kelly Martinez….Je suppose que tu as déjà dû entendre ça des milliers de fois, mais je suis un grand fan de ton travail. J’ai même acheté ton disque lorsqu’il est sorti. Tu as vraiment une voix magnifique.

Cela faisait une éternité que je n'avais pas eu l'occasion de m'asseoir derrière un piano et chanter. Pourtant, c'était quelque chose qui me plaisait énormément. Aussi, en voyant cette belle salle de musique vide avec ce piano qui semblait m'appeler, je n'avais pu résister. Le maître des lieux arriva cependant à la fin de ma chanson. Je me sentis un peu prise sur le fait d'un petit délit, mais le charmabt Beltran ne semblanzas m'en vouloir.

- C'est cool de ta part, merci.

Il avait l'air extrêmement sympathique, contrairement à son collègue du théâtre, un goujat fini celui-là. Bien sûr, Beltran me connaissait. Je souris à cette remarque, d'autant que j'aimais toujours entendre que j'avais des fans, surtout en ce moment.

- Oh, c'est chouette ça. Tu connais la chanson que je viens de jouer alors.

Il me complimenta sur la voix, ce qui me fit vraiment plaisir.

- Si c'est le prof de chant qui le dit, qui suis-je pour contester ? répondis-je avec un petit rire. Tu chantes aussi alors, j'imagine? Tu veux qu'on joue un truc ?

À vrai dire je n'avais pas envie de retrouver la solitude de ma suite à l'hôtel tout de suite, ni, pour j'en foso pas envie de sortir dans les bars branches de la ville pour me mettre une mine. J'avais vu ce piano et maintenant, je voulais faire de la musique. J'espérais que mon gentil collègue aurait un peu de temps à me consacrer.

- C'est quoi ta chanson de duo préférée ?

Si c'était un titre international, il y avait des chances que je le connaisse. Par contre, je n'étais pas très calée pour els hit purement espagnols, sauf pour els artistes qui avaient réussi à percer plus largement comme Ricky Martin par exemple.
J'attendis la réponse de Beltrán tout en laissant mes doigts courir sur le clavier.

Même si je suis le professeur de chant et que tout le monde s’accorde à dire que cette salle est « mon domaine », à mes yeux ce n’est pas le cas, chacun est libre d’y venir quand bon lui semble. Sauf bien sûr quand je suis en train d’y donner un cours, mais à part cela. J’esquisse un petit sourire en direction de Kelly.

- Je t’en prie. Je me vois mal interdire à quelqu’un qui aime la musique et sait la pratiquer d’utiliser cette pièce, surtout qu’elle était vide, donc raison de plus.

Oh ça pour la connaître, oui je la connaissais. Je l’avais même reprise. Enfin disons que je l’avais interprétée pour moi-même, simplement pour mon propre plaisir. J’avais réussi à me procurer la partition...de nos jours avec internet tout est plus facile, et j’avais commencé à la jouer. Cela ne fut pas facile au début, mais à force de m’entraîner régulièrement et sérieusement, j’y étais parvenu, mais rien ne valait l’interprétation originale comme on dit.

- En effet, je la connais. Je l’ai même joué pour mon simple plaisir personnel.

J’eus un petit rire amusé.

- Tu as raison, il faut toujours accorder du crédit à ce que te dit un professeur. Je hoche positivement la tête. Exact. Avant d’enseigner ici, j’ai eu un parcours de chanteur lyrique. J’ai été soliste à l’Opéra de Madrid quand j’avais vingt ans...j’étais promis à une grande carrière, mais...j’ai perdu ma voix, littéralement et depuis je n’ai plus le droit de monter trop haut. Je peux toujours chanter du « populaire », mais le lyrique, c’est fini pour moi. Enfin, ce n’était pas ta question. Je serai ravi de chanter en duo avec toi.

Je réfléchis à sa question. Il y avait beaucoup de chansons que j’aimais, mais sélectionner ma préférée allait être compliqué. Soudain, un sourire étira mes lèvres.

- Et bien….au risque de paraître un peu « fleur bleue », j’adore I want to spend my lifetime loving you, tu sais la chanson titre du film Zorro avec Antonio Banderas, chanté par Tina Arena et Marc Anthony. Tu connais ? On pourrait peut-être l’interpréter ?

C'était plaisant de discuter avec un collègue qui était aimable. Les prof de danse l'étaient aussi, bien sûr, mais elles parlaient beaucoup de leur discipline, à laquelle je ne connaissais finalement pas grand chose, même si je dansais plutôt bien. Et puis Beltran était l'un des rares hommes à enseigner dans cette école, l'un des deux autres étant un rustre fini. Mais je ne voulais pas penser à ce débile profond d'Alejandro Wilson. J'écoutais Beltran et fus surprise de constater qu'il connaissait ma musique et même quil avait mon album. De la part dun prof de chant, c'était flatteur.

- Oh, tu la chantes aussi ? Je serais curieuse d'entendre ta version. Si tu veux, bien sûr.

Puis, J'écoutai son histoire, hochant la tête avec une moue impressionnée.

- Waow, soliste à l'opéra, c'est pas rien.

J'étais attristée pour lui concernant sa fin de carrière. Ce devait être un sentiment horrible d'abandonner ses rêves au profit de ceux des autres. Et très sincèrement, j'avais cette angoisse qui me terrifiait que ce soit aussi mon cas. Et si Hollywood m'oubliait complètement er que je doive donner des cours tout le restant de ma vie ? Cela paraissait impossible, j'étais Kelly Martinez, j'avais tellement de prix que j'avais dû consacrer une pièce de ma maison de Beverly Hills pour les exposer. Pouvais-je vraiment être reléguée au second plan ?
Je souris à Beltran quand il proposa une chanson que j'adorais.

- Bien sûr que je connais, j'adore cette chanson. Tu sais qu'on m'avait proposé le rôle que tient Catherine Zeta-Jones ? Mais il y avait un conflit d'horaire.

Le film dans l'avais joué avait eu tout autant de succès, donc aucun regret, mais j'avais apprécié de voir les prestations des acteurs dans Zorro. J'entamai alors les premières notes de la mélodie, avant de m'arrêter pour sortir mon téléphone.

- Je vais jeter un œil à la partition.

Je m'empressai de chercher cette dernière sur internet, la parcourant rapidement du regard, avant de commencer finalement à jouer. J'avais hâte d'entendre la voix de Beltran.